Jean Racine, maître de la tragédie classique
Lorsque Racine commence sa carrière, la tragédie,
originaire de l’Antiquité grecque, est un genre très codifié, fondé sur les
principes énoncés par Aristote (IVe siècle av. J.-C.), et redéfini en
France pendant la première moitié du XVIIe siècle. Pièces en alexandrins et en
cinq actes, les tragédies empruntent leurs sujets à l’histoire ou à la
mythologie.
Ainsi, Mithridate, Britannicus, Bérénice,
proviennent de l’histoire romaine; Andromaque, Iphigénie, Phèdre,
de la mythologie, et si Bajazet, pièce «turque», se réfère à
l’histoire contemporaine, le manque de distance est compensé par l’exotisme
géographique et culturel. Illustres et exemplaires, les personnages sont
plongés dans une crise dont l’issue, souvent fatale, inspire terreur et pitié,
provoquant la catharsis, purgation des passions. Dans ses préfaces, Racine
revendique l’héritage des Anciens, des grecs Euripide, Eschyle, Sophocle, ou
d’auteurs latins, Virgile, Sénèque, Tacite. Esther et Athalie,
tragédies religieuses, sont issues de la Bible.
Racine suit la règle des trois unités. L’action
commence le matin pour s’achever le soir, respectant l’unité de temps (la
durée de l’intrigue ne doit pas excéder vingt-quatre heures).
L’unité de lieu (l’action se déroule dans un seul lieu) contribue
à enfermer les personnages dans le cercle de leurs passions.
L’unité d’action (une seule intrigue), extrême dans Bérénice,
est aussi respectée dans des tragédies, comme Bajazet, dont les
péripéties servent le déroulement de l’action principale. Par ailleurs,
l’obligatoire vraisemblance ne coïncide pas nécessairement
avec le vrai ; Racine se conforme aux habitudes culturelles de son public,
admettant des touches de merveilleux païen (comme le « monstre » qui,
dans Phèdre, attaque Hippolyte) ou de merveilleux chrétien issu des
récits bibliques.
Les bienséances exigent de ne pas
heurter le goût ou les idées des spectateurs, d’éviter une violence susceptible
de les fasciner.
Les brutalités–assassinats de Pyrrhus dans Andromaque,
de Britannicus, de Roxane, dans Bajazet – sont racontées et
non montrées. La proscription d’un langage cru épure un style subtil qui
recourt à la litote, à l’euphémisme. Loin d’en être prisonnier, Racine exploite
les contraintes de la tragédie classique pour obtenir un maximum
d’intensité.
Le dénouement doit restaurer la morale compromise
par le déchainement des passions, mais Racine achève plutôt ses tragédies par
la déploration, la compassion et les larmes.
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