La passion et la
fatalité dans le théâtre de Jean Racine
La galanterie, courant esthétique majeur alors
que Racine écrit Andromaque, dépeint avec un raffinement subtil les méandres
des sentiments amoureux. Si Racine en reprend le vocabulaire et les images («
feux », « fers », « flammes »), il les réactive, leur restitue un sens propre :
mourir d'aimer devient une réalité et cesse d'être une métaphore.
Passion irrépressible, l’amour domine le
théâtre racinien. Mû(e) par une idée fixe, prêt(e) à toutes les violences pour
s’assurer la possession de l’être aimé, l’amoureux ou l’amoureuse (qui aime
sans être aimé) s’enferme dans une aliénation croissante. L’amour passionnel
est montré jusque dans ses manifestations physiques ; ainsi, Phèdre rougit,
pâlit, tremble à la vue d’Hippolyte. Racine dépeint aussi les douceurs de
sentiments tendres, purs, d’amants (dont l’amour est réciproque) qui se
heurtent à la fureur d’un(e) amoureux(se). C’est Junie et Britannicus
affrontant Néron, Atalide et Bajazet opposés à Roxane, Aricie et Hippolyte à
Phèdre. Deuxième grande passion du théâtre racinien, l’amour du pouvoir ravage
certains de ses héros tels que Néron, Agamemnon, Athalie. Chaque tragédie
s’ouvre sur une crise passionnelle qui sera exacerbée par des obstacles -
obstacles extérieurs : refus de l’être aimé, interdits familiaux, raison
d’État, ou intérieurs, comme un fort sentiment de culpabilité – et la crise
s’amplifie graduellement jusqu’à une issue le plus souvent fatale.
Tout en se livrant à une analyse
lucide des sentiments ou des signes de la passion, le héros qui souffre d’un
amour pathologique ou d’un appétit incoercible de pouvoir est incapable d’obéir
à la raison. Il se débat vainement contre ses pulsions et le spectateur assiste
à une marche inexorable vers la catastrophe. Car tout est joué d’avance,
l’homme, soumis à une fatalité déterminée par les dieux, n’est pas libre. Le
dénouement d’une tragédie doit rétablir des rapports familiaux ou sociaux
déréglés par le jeu des passions, mais, chez Racine, l’ordre politique n’est
jamais vraiment restauré et le spectateur, ému et fasciné par l’épreuve des
passions est, la crise achevée, invité à la compassion par les larmes que
Thésée se propose de verser sur Hippolyte, ou un dernier « Hélas ! » de
Bérénice.
No hay comentarios:
Publicar un comentario